vendredi, mai 20, 2011

Apple, une nouvelle divinité ?

Comme le rappelle Jacques Perriault, « La sphère technicienne a un comportement qui prend souvent un caractère messianique. L’annonce d’une nouvelle machine à communiquer a les accents d’une révélation. Tous les emplois possibles en sont énumérés et le plus grand nombre est invité à s’en servir. La nouvelle machine apparaît alors comme un saut dans la société. » Et quelques lignes plus loin, « deux types de discours coexistent quant aux technologies de la communication. L’un est précis, technique, laïque, pourrait-on dire, quant aux capacités des machines. L’autre est généralisant, idéologique, incantatoire, ressemblant, à l’objet près, au discours religieux. »[1].

Ces assertions déjà anciennes s’appliquent parfaitement aux nouveaux objets communicationnels que sont les smartphones ou aux tablettes (ardoises en français). Elles sont également adaptées aux “Keynotes” d’Apple (du nom du logiciel de présentation éponyme d’Apple), grand-messes animées par Steve Jobs, annoncées des semaines à l’avance et attendues par les médias et le public comme un événement majeur dans le devenir, voire l’avenir de la société.
Les annonces faites lors de ces présentations déclenchent le plus souvent une vague d’intérêt et de médiatisation comparable à l’apparition d’un chef d’état dans une zone de guerre ou du pape dans un pays catholique. Les appareils qui y sont mis en scène ne sont pas seulement des objets techniques. Ils nous proposent une expérience de vie, une nouvelle forme de relation au monde[2].
La démarche holistique employée vise à minimiser les caractéristiques techniques au profit des potentialités d’usage. « La technique quitte ainsi imperceptiblement sa condition de pure production humaine pour se charger d’une dimension transcendante » [Habermas 1973][3]. Regroupée en un même espace, sur une même surface, l’actualisation de toutes les fonctions rendrait presque obsolètes les périphériques (écran, clavier, souris…) qui nous accompagnent depuis si longtemps. L’expérience haptique[4] trouve avec l’écran tactile un nouveau développement : on touche ce qu’on voit, on fait ce qu’on voit. Et cette puissance est accessible à tout un chacun, sans l’intermédiation jusque-là dévolue aux ingénieurs informaticiens : un dispositif communicationnel comme l'iPhone coûte en France, avec le subventionnement de l’opérateur, l’équivalent d’une journée de travail moyenne, parfois beaucoup moins.[5]

(extrait de Comment les représentations que se font les entreprises des jeunes salariés et de leurs habiletés techniques transforment-elles les relations de travail et les formes du pouvoir et de l'autorité ? », Mémoire de Master2 « communication et technologies numériques », Perelman Jérôme, Celsa / École des Mines d’Alès, novembre 2010).



[1] Perriault, Jacques, La logique de l’usage, p.71-72
[2] « le i phone me permets, grâce à ses nombreuses applications, d’être plus qu’un téléphone disons un outil de vie » revelus, http://plus.lefigaro.fr/note/les-nouvelles-technologies-ont-elle-des-consequences-su-votre-vie-de-famille-201006007/commentaires (texte non retouché)
[3] Cité par Jauréguiberry, Francis, in « Le moi, le soi et Internet », Sociologie et sociétés – les promesses du cyberespace, p.148
[4] L’haptique est la technique qui permet à un programme informatique de produire un ressenti physique chez l’utilisateur. On trouve par exemple des vêtements haptiques qui permettent de reproduire sur le corps les différentes sensations du toucher, pour amener la personne qui porte ces vêtements à ressentir des sensations physiques (gants, t-shirts…).
[5] Sur le site www.orange.fr en octobre 2010, 31 smartphones sont disponibles à la vente, dont 16 à 1 € (selon la formule d’abonnement retenue).

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